Vous avez vu la bande de rigolos qui luttaient (à Nantes) contre le passage à la nouvelle année ? J’ai l’impression d’en faire un peu partie car je n’ai pas fini d’écarquiller les yeux en feuilletant certains livres sortis juste avant la fin de l’année. Comme Paris-Tokyo-New York-Bruxelles de François Avril. Encore un descendant de la « ligne claire ». Il a même été (plus ou moins) disciple d’Yves Chaland, dessinateur que je vénère jusqu’au déraisonnable (il y a d’ailleurs sur Ebay ces jours-ci un manuel d’occitan illustré par Chaland encore lycéen, une vraie folie). Avril a donc pratiqué la bande dessinée pure (Le Voleur de ballerines, avec Yann, qui aurait pu être une aventure de Freddy Lombard… sans Freddy Lombard) pour ensuite se consacrer au dessin (je veux dire sans parole). Paris-Tokyo-New York-Bruxelles (aux éditions Champaka qui ont sorti quantité de beaux livres, notamment de Chaland) expose, parfois sur des doubles pages, son regard à la fois poétique et schématique sur les quatre villes citées. On reconnaît presque au premier coup d’œil mais, en même temps, Avril mêle détails typiques et inventions architecturales (« à la manière de »). Au contraire d’un Tardi qui utilise le réel comme décor (voir Le Secret de l’étrangleur, bien foutu), Avril s’en inspire pour le reconstruire en architecte géant et virtuose. Il re-design l’avenue des Champs Elysées et les autres rues parisiennes, conservant les monuments mais épurant. Pareil pour les autres capitales qu’il parvient à faire revivre tout en les faisant entrer dans une autre dimension. De ces pages émane aussi une sacrée sérénité : les humains, toujours présents, actifs mais à leur échelle, laissent la place à leurs décors, vraies héros de ce livre. Dans sa préface (quand un dessinateur écrit l’avant-propos d’un livre qu’il aime, ça donne toujours un résultat intéressant), Joost Swarte, ce grand monsieur, dit tout ça mieux que moi : « Avril aime dessiner des sujets issus de son environnement immédiat : des villes, des paysages, des musées. Il les traite de manière presque abstraite et les amène à un état de repos. Quand Avril conçoit une scène de rue agitée traversée de lignes vives, il apporte de la tranquillité dans le chaos par des accents de couleurs ordonnés en motifs apaisants ». Je suis con, j’aurais dû recopier sans rien dire…
Pour celles et ceux qui connaissent déjà son trait, il y a aussi des surprises chromatiques, des sortes d’instantanés moins « droits ». Le livre coûte 60 euros parce que, de la reliure au papier, tout ici a été étudié, tout a été pensé en fonction des dessins. Ça aussi, c’est reposant.
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