samedi 31 mars 2007

Il fallait pas (1)


Non, fallait pas. Payback ayant tendance à servir honteusement la soupe, voici deux coups de gueule ridicules qui ne changeront rien mais soulageront temporairement la conscience du zélé élogiateur.

1 Milo Manara.
Si on dresse la liste des derniers vieux grands maîtres de la BD, il en fait assurément partie. Il dessine comme un dieux et ses filles sont belles comme des déesses. Malheureusement, il a oublié une contrainte, celle de suivre une histoire intéressante. Si bien que ses livres ne sont plus que des recueils de dessins à admirer (non, je n’ai pas dit pour se rincer l’œil). Dernier exemple en date, Les Yeux de Pandora aux Humanos. La faiblesse du scénario ne lui est pas imputable puisqu’il est dû à un écrivain italien, Cerami. Imaginez un téléfilm en forme de thriller troué (suspense quasi-inexistant, quête du père, blabla), ça ressemble à peu près à ça. Pourtant, pour une fois, aucune scène de sexe ou suggestive, rien que le récit. Mais c’est encore raté et l’on est condamné à admirer le trait de Manara chez les libraires (il n’y pas que les femmes qu’il dessine comme un dieu, les planches des Yeux de Pandora, en noir et blanc, sont vraiment admirables). Car qui voudrait s’embarrasser de ça ?

2 Miriam Engelberg.
Playback prend un tour particulièrement ignoble puisqu’il s’attaque à une inconnue de manière gratuite et scandaleuse. Cette Américaine a attrapé le cancer comme des millions de gens, ma tante, vos proches. Dans Comment le cancer m’a fait aimer la télé et les mots croisés (éditions Delcourt), elle raconte les soins, le regard des autres, etc. Bref, une autobiographie en forme de thérapie avec des bouts d'humour, la découverte du corps, de la maladie, le courage, le désespoir, blabla. Quelque chose de salutaire en théorie. Désolé, moi, ce livre me tombe des mains. Peut-être parce que pour m’intéresser à sa vie, il faudrait qu’elle l’enrobe avec plus de poésie (ça serait plus efficace)au lieu de rester terre-à-terre. Peut-être aussi que, initialement, ça n’a jamais été destiné à publication et que ça échoue comme ça dans nos rayons pour des raison socioculturelles. Je ne parlerai pas du dessin, par charité athée. Entendons nous bien, c’est horrible que des gens souffrent mais doivent-ils sacrifier du papier ? Si un jour – je touche mon écran – ça m’arrive, je ne me prendrai pas pour un dessinateur. Par rapport, Les pillules bleues que des amis m'ont fait découvrir pour mon anniv' est cent fois plus réussi.

jeudi 29 mars 2007

Morte de rire


Alors que le réchauffent climatique nous menace de plus en plus d’une grande confusion saisonnière (quel mois on est déjà ?), voici une réédition à même de l’augmenter – la confusion. Sont réunis les deux albums les plus glaciaires de Nico, chanteuse la plus froide qui ait jamais existé (et une des plus belles). The Frozen Bordeline (tout est dit) regroupe en effet The Marble Index et Desertshore, conçus entre 1968 et 1970. Juste avant, il y avait eu Chelsea Girl qui essayait de la faire passer pour une chanteuse un peu innocente aux amants superstars (Dylan, Lou Reed et Jackson Browne avaient composé pour elle). A partir de The Marble Index, les choses deviennent très sérieuses : Nico se met à l’harmonium dont elle joue avec emphase et lugubres vibrations, John Cale (pas forcément le roi du gag) l’encadre avec ses volutes de violons. On ne rigole plus. Pour faire partir de chez soi les inopportuns, devenir aliéné ou provoquer une émeute chez ses voisins, il suffit de mettre très fort cet album hypnotique et fascinant comme les yeux d’un serpent. Desertshore, un peu moins désincarné (elle vit alors avec le cinéaste français Philippe Garrel, la pochette vient d’ailleurs d’un film de lui où elle joue) réchauffe presque l’atmosphère. On y entend même le fils Delon (Ari) chanter “Le Petit Chevalier”. Après, suivit The End à la même couleur mortuaire (et d'autres, sans compter un accident de vélo à Ibiza - son écharpe se serait pris dans les roues
Disponible en import, ce double disque propose la totale : démos, inédits des mêmes sessions… Magnifique, tordu, de l’exploration sonore, psychiatrique.

mercredi 28 mars 2007

Calcutta


Ça vire à l’imposture mais si je ne faute pas, personne n’y verra rien*.
Est-ce dû au fait que l’Inde était à l’honneur du Salon du Livre (qui s’est terminé et je n’y suis pas allé parce que je trouve ça triste ces amas de papier compressés, marketés, parqués dans des stands et des hangars) ? Paraît donc chez nous Calcutta, bande dessinée due à Sarnath Banerjee, Indien vivant à Londres, si j’ai bien compris. La jaquette précise qu’il est l’auteur de Corridor, premier graphic novel indien « de tous les temps », précision un peu gratuite que ma mauvaise foi fatiguée a dû mal à laisser passer (à quand le premier indonésien, etc. ?) Au contraire, Calcutta a des racines occidentales : noir et blanc comme dans Blankets de Craig Thompson, ton (auto)biographique ( même si Banerjee précise : « ce livre est inspiré de faits historiques mais pas limités par eux »), choix de l’anglais pour la langue. Si elle s’avère exotique, ce n’est pas par un quelconque aspect de carnet de voyage (et pourtant le héros – auteur revient sur les traces de son grand-père, à Calcutta, donc, et l’auteur utilise parfois des vraies photos) , plutôt par sa structure comparable à celle d’un recueil de contes bizarres. Le protagoniste cherche un livre rare qui a appartenu à son grand-père et sa quête prend la forme d’un mille-feuille de rencontres et de récits. Les premières séquences jouent le mystère en sautant de la forêt de Stuttgart à la cour versaillaise et le reste n’est que saute-mouton temporel. Des libations incroyables, des sacrifices de prêtres, un homme qui se ruine en cassant les verres les plus coûteux, le « Club des oiseaux », Banerjee nous fait pénétrer dans un monde de folie où la quête d’un livre devient presque rationnelle. Au final, la musique de Calcutta et son rythme (succession de chapitres courts) ne sont pas comparables à d’autres. Et la cartographie de la ville qu'il établit semble se jouer du temps et de nous. Il est donc facile de s’y laisser perdre et de perdre ses repères. Une sacrée expérience due à Denoël Graphic, maison d’édition qui les multiplie : de Popeye (une réédition de la version Futuropolis Robial) à Fun Home (qui vaut mieux que ce que la publication en feuilleton dans Libé le laissait croire) en passant par une adaptation de Stevenson (Le Maître de Ballantine par Hyppolyte) et l’étonnant et très Ever Meulen World Trade Angels.

* Je n’ai pas eu le temps de le finir.

samedi 24 mars 2007

Maladresse

Petite précision par rapport au livre Nous sommes jeunes nous sommes fiers. C'est pas que je me prenne au sérieux mais je voudrais rectifier un détail et surtout pas donner l'impression de régler mes comptes. J'ai été maladroit dans le passage où je parlais de Technikart et Benoît Sabatier, ce n'est pas Benoît (qui est sympathique et fréquentable, bien que je le connaisse très peu) que j'aimerais détester et qui, contre toute attente, m'amuse mais son magazine. Voilà, j'ai légèrement modifié le passage incriminé. Merci à RV Love, fidèle de Playback et encore plus de Technikart, pour sa juste remarque.

vendredi 23 mars 2007

I'm Your Fan


Je suis trop vieux pour me voiler la face et occulter mes obsessions. Peut-être parce qu’il est dix fois plus prolifique que la moyenne, Joann Sfar me prend du temps, de la place (ça devient d’ailleurs problématique). Greffier est à peine en librairie que je me rends compte de la mini-révolution (elle ne touchera que ses lecteurs fidèles) opérée via le Bestiaire amoureux. Finalement ennuyé par la contrainte d’avoir un seul héros, Sfar a condamné Fernand le vampire à ne devenir qu’un personnage parmi d’autres de la série dont il était le héros. Finito, Grand Vampire, place à ce fameux bestiaire. Le dessinateur n’a pas repensé complètement la série initiale mais a voulu lui apporter de l’air. Dans les faits, ça se concrétise par la réédition de tous les épisodes de Grand Vampire en trois volumes, petit format, du Bestiaire Amoureux (à raison de deux histoires par bouquins). En même temps, sort le quatrième Bestiaire Amoureux, complètement inédit, auquel Sfar a dû se consacrer entre octobre et décembre dernier, en même temps que Klezmer 3 et la Vallée des Merveilles 2, entre son voyage aux Etats-Unis et Angoulême. Effectivement Fernand y est un peu éclipsé par Josacine, la vampire de 17 ans, le loup-garou sexuel et un nouveau personnage qu’on voit sur la couverture définitive - celle au-dessus a été remplacée à la dernière minute !). On perd un peu le côté militant des derniers (à prendre au sens littéral) Grand Vampire pour un ton plus badin, sentimental. Sfar aime dessiner l’amour (attention, on n’est pas dans Pascin) et c’est plaisant de se laisser séduire à nouveau par une série qu’on croyait installée.
Gros problème pour celles et ceux qui possèdent déjà les Grands Vampire, Sfar a ajouté en fin des trois premiers volumes des ARCHIVES. Des bouts de bande dessinée avortée mettant en scène son vampire et datant des années 90, les planches qu’il a présentée à l’Association et lui ont valu d’y être accepté en tant qu’auteur (notamment les planches précédant celles du Petit Monde du Golem), la première apparition sur sa table à dessin du Professeur Bell. On découvre le trait du Sfar d’alors, noir, crochu, sous influence de Pratt, Baudoin (Moebius?)… Quel travail d’épuration et de recherche stylistique il a accompli depuis (oui, cette phrase est lourde comme un mauvais framboisier).
Bon, espérons que dans 10 ans, il ne voudra pas reformater complètement sa série. En tout cas, ces Bestiaire Amoureux sont très jolis – le public américain, si je ne me trompe pas, a en eu la primeur puisque les Grand Vampire ont directement été édités sous cette forme - et autour de 15-20 euros.

Sur le site officiel tenu par ses potes, quelques planches du Bestiaire et aussi des fausses couves du Chat du Rabbin dues à Blain, David B, Riad Sattouf, Mathieu Sapin… Entre autres.
http://www.pastis.org/joann/

jeudi 22 mars 2007

Flash Forward 1



Début mai, Björk et Arctic Monkeys lâchent dans l’espace leurs nouveaux albums – notion désuète pour les moins de 20 ans à notre ère digitale qui s’avère néanmoins encore pratique.

1 Volta = 10 x B + ( 1/5A + 1/5T + 10 h + k…..)
Même si elle se montre parfois exigeante jusqu’à la pose, Björk mérite toujours une filature rapprochée. Medùlla sa dernière expérience long format - en mettant de côté l’ardue BO du film Drawing Restraint 9 de Matthew Barney, son mari) a gardé toute son originalité trois ans après (les voix humaines contribuaient à 90 % de la matière première). Elle ne tient pas en place, multiplie les collaborations, les dosages de projet en projet. Au contraire d’un Bowie qui a souvent investi les genres avec légèreté, elle semble les avoir assimilés, ingérés pour ne recracher que dans son style, le BDL (Björk Dans la Langue – elle est la seule à parler ce langage couramment et dans les moindres subtilités).
Parce que le producteur Timbaland fait partie du casting (pour deux morceaux dont “Earth Intruders”, morceau le plus accessible depuis Post), les rumeurs maladroites annonçaient un disque hip hop. Mais Björk n’est pas Nelly Furtado ou friande de featurings. C’est naïf de croire qu’elle va jouer dans un décor seulement préparé par d’autres. Donc pas de morceaux stricto hip hop (c’est le moins qu’on puisse dire). Au contraire des rencontres (Timbaland avec la formation electro-afro Konono n°1, Björk et Antony lors de deux duos énamourés), la constitution d’un mini-orchestre de dix joueuses de cuivres, “Declare” hymne teigneux techno-punk (Mark Bell de LFO doit en partie être derrière). Plus Toumani Diabaté à la kora, des batteurs fous. Volta, donc. Suis impatient, bordel, Björk excite le cerveau. Avec elle, on attend même avec impatience de voir la pochette.

2 Favorite Worst Nightmare
La semaine dernière à l’Elysée Montmartre, les jeunots d’Arctic Monkeys ont montré que leur formation on the road et sur le tas porte ses fruits (et des fruits de moins en moins verts pour aller au bout du marché). L’énergie juvénile durcie par de la lourdeur sonore, du brit rock musclé mais pas gonflette. Les petits singes, même soufflés par un succès foudroyant donc suspect, ne se sont pas révélés baudruches. Le premier single de Favorite Worst Nightmare, "Brianstorm" reste dans la continuité (mais en plus compact) du premier album mais le reste réserve des surprises, des touches de sophistication et de tendresse comme “505” en clôture ou “Fluorescent Adolescent”. Ils ont appris à mieux jouer, le chanteur Alex chante bien – mais ils ne sont pas rentrés dans le moule FM comme les Killers (qu’ils soient maudits ceux-là). Faut les prendre au sérieux. Et on sent qu’ils ont flashé sur l’énergie des Queens of A Stone Age – moi pas mentir.

mardi 20 mars 2007

Jeunes et...


Le sous-titre « la culture jeune d’Elvis à Myspace » sent un peu l’opération putassière, l’appel d’air en direction des talk-shows et des dossiers générationnels des magazines. Pourtant, Nous sommes jeunes nous sommes fiers de Benoît Sabatier (rédac chef adjoint « musique » de Technikart, magazine que j’aimerais détester mais en fait m’amuse) tranche dans la production des livres sur le rock, dominée en quantité par les effets de calendrier et l’opportunisme. Il y a déjà le fil directeur : la jeunesse existe depuis qu’elle a inventé le rock (et vice versa). A partir de l’apparition d’Elvis, des Beatles, de Dylan, des Stones, des hippies etc ., elle est devenue force motrice de création, contestation et consommation. Se greffe autour de ce tronc des références et des histoires déjà connues ou lues. Sauf que Sabatier revisite, mais va à son essentiel, apporte une vision synthétique et surtout cherche ailleurs (chez les penseurs, l’avant-garde) pour nourrir de citations et éclairer l’histoire du rock comme une trajectoire folle vue plan par plan. Enfin, il remet sur les mêmes échelles temporelles et souligne le décalage qu’a toujours accusé la France en matière de pop-rock-punk par rapport à l’Angleterre, les Etats-Unis. Il n’oublie cependant pas les exceptions françaises, de Christophe à Rock’n’Folk en passant par Taxi Girl, le vrai fil rouge, cousu fin, du livre (c’est le groupe de Daniel Darc et Mirwaïs qui a chanté “Nous sommes jeunes nous sommes fiers"). De manière abrupte, Sabatier interrompt « son » récit pour appuyer sur pause le temps d’entretiens un peu décalés (avec Brian Eno, les Strokes, Eminem…) Comme je suis un imposteur et qu’il est épais, je n’ai pas fini de le lire (je m’y consacre régulièrement vu qu’il traîne dans notre salle de bains). J’ai tout de même le sentiment d’être face à une entreprise décisive. Cynisme ou non, une compile accompagne (sortie Sony) le livre de Hachette. Quitte à montrer que la jeunesse est devenue un produit, autant l’appliquer, non ? Les deux disques conçus par Sabatier, même s’ils sont nourris par le catalogue Sony, montrent des goûts très hétéroclites et réjouissants : A Tribe Called Quest avec Johnny Cash, Michael Jackson et Christophe… certains voisinages sont de grands écarts volontaires qui dénote une vraie souplesse. Et puis il y a le morceau de Taxi Girl que je ne connaissais pas (vu que je ne connais rien de ce groupe), dance-music slogan assez étonnante.

vendredi 16 mars 2007

Death Note


Le plaisir du feuilleton, des histoires à suivre, réside dans le constant saut dans l’inconnu. Forcément, le moment de la chute est crucial et délicat à négocier. Mais, tant que tu sautes d’une mini-intrigue à l’autre, rien ne sert de se préoccuper de la conclusion. Que ce soit dans les séries américaines à la Lost ou Heroes (dont on trouve avec une facilité déconcertante les 18 épisodes sur des blogs, en streaming en téléchargement…) et dans les mangas comme Monster, on essaye surtout et tant bien que mal de se raccrocher aux branches. Monster (18 volumes), adaptée en dessin animé de manière très fidèle (visible sur Canal + ou un de ses dérivés colorés) bénéficiait d’un crescendo final implacable. Alors que le 21e et a priori avant-dernier volume de 20th Century Boys, l’autre manga-fleuve de Naoki Urasawa, s’apprête à sortir (le suspense devient terrible pour ceux qui suivent cette série depuis deux ans), se présente Death Note, manga plus adolescent et moins noble, qui cependant vaut son shoot d’adrénaline. Imaginez un livre dans lequel en inscrivant le nom d’une personne, on provoque sa mort. Autour de cette idée centrale l’auteur a bâti une intrigue originale par son positionnement (le personnage central, le héros est le coupable). Deux tomes déjà et ce qui me semblait au début être un exercice supra casse gueule tient (encore) la route. Pour celles et ceux qui n’ont pas encore goûté au suspense made in Japan, mieux vaut pour les nerfs essayer déjà Monster. Qui a l’avantage d’être (bien) terminée pour me répéter.

jeudi 15 mars 2007

Jeune et vieux


Plongeons nous dans le monde de la consommation, dans les bacs à disques. Vous vous rappelez ces trucs bizarres et désuets qu’on met sur ou dans des platines. Oui, ronds et d’un autre temps. Hé bien, Neil Young, folk-rockeur canadien sexagénaire, continue d’en sortir. Pire, il ouvre maintenant ses archives, lâchant dans la nature des vieux enregistrements qu’il n’avait pas éprouvé le besoin de publier auparavant. Le vieux fou ! Comme si on avait trop d’espace libre chez soi pour s’encombrer de vieilleries. Prenez comme exemple le Live At Massey Hall enregistré à Montréal. Pendant une heure durant, on entend Neil Young, alors effectivement jeune, seul à la guitare ou au piano. Pendant une heure ! Qui veut s’infliger ça, franchement, la vie est trop courte, non ? Bien sûr (reprenons notre sérieux), ce concert est magnifique comme une visite en forêt un après-midi de chaud printemps. Ou la vision de la nature enneigée – alors que, toi, tu es dans ta maison et regarde dehors comme à l’intérieur d’une boule de neige que tu secoues… J’adore Neil Young mais il est impossible d’adorer tous ses disques. Il se contente pratiquement de labourer les deux mêmes sillons depuis 40 ans : sa veine country-folk et sa veine électrique. Pépère (et de plus en plus avec l’âge), il vit selon ce rythme alternatif depuis qu'il a quitté le Buffalo Springfield. En réalité, il n’a pas eu de coups de sang électrique depuis son album enregistré avec Pearl Jam (avec leur barde de chanteur bâillonné) il y a quoi, 12 ans. Revenons à ce Live At Massey Hall. A la troisième plage, on entend Neil prévenir : « voici une nouvelle chanson ». Là, il balance “Old Man” qu’on trouvera l’année suivante sur Harvest. On a droit à ses premiers classiques (“Cowgirl In The Sand”, “The Needle And Damage Done”, “Helpless”) assénés avec une simplicité désarmante et la voix d’ange pas encore déchu. Effectuons un saut temporel de 34 ans puisque le film de Jonathan Demme (Le Silence des agneaux mais aussi Stop Making Sense sur les Talking Heads) Neil Young : Heart Of Gold montre le Canadien en 2005, à Nashville pour la première « représentation » de l’album Prairie Wind (qui est un peu Harvest 4 – la revanche). Se remettant de sa crise d’anévrisme et de la mort de son père, Young interprète les mêmes morceaux d’Harvest mais avec trois décennies en moins d'innocence, courbé par le poids des responsabilités échouant à tel patriarche. Young vieillit de manière émouvante. Précisons que Heart of Gold sort en DVD et que le Live At Massy Hall, bootleggé à mort, est downloadable quelque part.

Des images du concert à Massey Hall sont visibles ici : http://www.neilyoung.com/archives/masseyhall/masseyhall.html

mercredi 14 mars 2007

Liberté d'être con ?


« Oh, il est bien François Bayrou. Il est intelligent, il se laisse pas embobiner. Il est brillant, pas snob. Hé ! Il serait bien comme président de la république peut-être ». C’est dégueulasse de tirer ces phrases de son contexte. Il n’empêche que Sfar les a écrites et pensées le 7 février dernier, jour où Bayrou, Hollande et un fax de Sarkozy sont venus apporter leur soutien à Charlie Hebdo grosso modo accusé de blasphème par des organisations musulmanes (elles récusent ce terme, elles, bien sûr) suite à la publication des caricatures danoises et une de Cabu où l’on voit Mahomet « débordé par les intégristes » déclarer : « c’est dur d’être aimé par des cons ». Sfar a assisté aux deux jours du procès et décidé de lui consacrer un de ses carnets, détournant la fonction première autobiographique qu’il avait attribuée à ce genre de livre pour raconter quelque chose en tant que spectateur. Comment comprendre qu’un dessin de Cabu, mal compris, peut davantage offenser des croyants que les terroristes qui salissent leur Dieu ? Ceux qui ont brûlé les ambassades danoises ne sont-ils pas plus coupables que les dessinateurs ? Moi qui suis athée je considère d’autant plus que s’attaquer à des caricatures est une occupation d’un autre siècle, le reflet d’une mentalité moyenâgeuse. D’ailleurs, les parties civiles se ridiculisent en intentant un procès dont même l’église catholique a abandonné l’idée (et pourtant des bigots intégristes ça ne manque pas, apparemment).
Dans Greffier, Sfar raconte donc ce procès, les interventions éclairées de professeurs, de penseurs, de Musulmans qui se sentent offensés qu’on veuille leur ôter la possibilité de rire d’une caricature… De l’autre côté, celui de l’accusation, on a affaire à des arguments grotesques, la prestation d’un piteux prêtre catholique aux sympathies plus que douteuses (le révisionniste Garaudy). Bon, j’arrête de paraphraser, ce livre a une vertu civique, intellectuelle. Sfar, en tentant d’en retranscrire le plus possible, avec comme d'hab ratures, texte dans tous les sens, laisse les idées se développer plus longtemps qu'une centaine de reportages de trois minutes sur le même sujet lors d’un quelconque 20H. Malheureusement, touchera-t-il d’autres personnes que la majorité déjà convaincue ? C’est à voir. Ce procès en forme de mascarade aurait-il dû avoir lieu, tout simplement ? Greffier devait sortir aujourd’hui, veille du rendu du jugement. Finalement, il sortira dans une semaine le 22, veille de la nouvelle date de rendu du jugement (d'après ce que j'ai compris, si ça se trouve, rien).
On ne peut même pas envisager que Charlie Hebdo perde. Mais quand même… est-ce que l'histoire de l'humanité tourne dans le bon sens ? Ça ne semble pas fragrant.

PS Sfar en a profité pour compiler ses chroniques de Charlie Hebdo dans le même volume. Qui sort chez Shampooing, collection de je n’avais pas parlé depuis au moins quatre jours. Il y avait un problème à la poste, je ne recevais pas mon chèque...

samedi 10 mars 2007

Death to The...


Donc la diffusion de l’excitante prestation des Stooges à Canal + débute dès lundi prochain. Au menu : sept extraits de The Weirdness (l’album du retour, donc) et “I Wanna Be Your Dog” qui a provoqué dans les rangs serrés des spectateurs des aboiements de joie. A part ça, un petit bouquin épatant live une trentaine de morts célèbres, saisis par le crayon cruel d’un certain Jean-Luc Navette, juste après leur décès. Crève ! Non, je souhaite pas votre mort, c'est l'intitulé. J’aime beaucoup l’image de Michael Hutchence (le premier chanteur d’INXS) pendu la bite à l’air (rappelez-vous sa mortelle séance d’asphyxie érotique), celle de Marvin Gaye tué par son père. On croise aussi la chienne d’Hitler, Bonnie & Clyde, Cléopâtre, Brian Jones, 2 Pac ou John Lennon. Rien que des morts violentes dépeintes avec un humour noir et accompagnées par de petites notules nécrologiques. Icônes défigurées, stars zombifiés… Navette nous ouvre son musée des horreurs posthumes – il a créé une galerie d’exposition-salon de tatouage à Lyon, elle doit valoir le coup d’œil. Ce livre est à commander sur le site de l’éditeur (lyonnais aussi) Black Cat Bones) au prix de 20 euros (http://www.blackcatbones.org)/. Navette a aussi un site : www.vivadolor.com En cadeau : une jolie carte postale et un autocollant. La mort leur va si bien…

jeudi 8 mars 2007

Ghost


Certains ont crié au loup quand la marque Futuropolis a été réactivée, Gallimard et les éditions du Soleil se partageant à moitié les destinées de ce Futuropolis 2. Au premier titre, Etienne Robial, fondateur de la première entité. Ce graphiste génial, visionnaire, avait constitué avec la dessinatrice Florence Cestac un laboratoire à la fois tourné vers le présent et le passé, la redécouverte du patrimoine (surtout les classiques américains, Krazy Cat, Batman, plein d’autres, un catalogue de malades). Un incroyable respect du livre, des formats inédits via les volumes 30x40, sortes de showcase picturaux (difficiles à regarder, ranger mais quel plaisir) ou la collection X, petits volumes à l’italienne d’une vingtaine de pages (frustrants mais mignons). Futuropolis se payait parfois des luxes, ce qui rendait encore plus attirantes leurs publications. Quand j’étais ado, je me rendais pas compte du soin qui était apporté à leurs livres. J’avais aussi du mal à les acheter, les trouver etc. L'aventure a dûré, de la fin des 70's jusqu'à la banqueroute (la fin des 80's, je ne sais plus) On pouvait effectivement craindre que les dirigeants du Soleil, maison réputée pour ses albums d’heroic fantasy interchangeables et médiocres, salissent le glorieux nom. Mais ils l’ont plus respecté qu’on ne pouvait ne l’espérer, débauchant David B, Blutch (La Volupté, vraiment terrible), Rabaté, Mathieu, Yslaire…. Ça ressemble un peu à la manière de recruter des grosses équipes de foot mais le résultat est là : une flopée de très bons albums (et je ne parle pas de Ludovic Debeurme que je n’ai pas lu), une collection en partenariat avec le Louvre… et des trucs moins bien (sur le nombre, ça reste marginal et très pardonnable). Un autre chapitre, complètement différent, moins défricheur (la plupart des auteurs sont déjà connus, établis), pour autant absolument pas négligeable. Une direction artistique, un esprit (moins punk que l'ancien, certes, plus bourgeois, Ok), un éditeur à saluer.
Toute cette intro superflue pour évoquer Journal d’un fantôme de Nicolas de Crécy. A la fois carnet de dessin, morceaux d’autobiographie, fiction folle, récits de voyage, réflexion sur l’art de dessiner pour quelqu’un qui gagne sa vie comme ça (et réalise parfois des travaux de commande), ce volume de plus de 200 pages est un bel objet aux lectures hétéroclites, imprimé sur du papier de 130 grammes (il vaut 24 euros, ça me semble plutôt raisonnable). La première centaine de pages m’a enivré, je suis descendu d’un niveau après, deux trois up and down et j’ai recollé à ce récit qui n'a rien de linéaire. Certaines planches valent le retour en arrière, ça sera pour plus tard. Bien que j’aie du mal avec les passages les plus complaisants (quand de Crécy, parlant en son nom, explique que le dessin a été un « doudou » pour lui), je regarde de loin la tranche de ce Journal avec envie de m’y replonger, feuilleter… Je n'ai pas parlé du plaisir des yeux face à ce défilé de couleurs, des pages de garde oranges au noir et blanc suivant. Et la couverture, elle nous lance un appel. Ah, je m’en voudrais de ne pas utiliser la formule de la « mise en abîme », voilà, c’est fait.


J'ai été long, putain.

mardi 6 mars 2007

THE STTTOOOOGGGES


Je reviens juste des studios de Canal + où est filmée la séquence des Guignols et le « live de la semaine ». Ce soir, The Stooges, les vrais, ceux d’Iggy Pop et les frères Asheton, avec juste un membre original excusé (Dave Alexander, le bassiste, mort d’overdose). En matière de rock’n’roll, on prétend que les Rolling Stones sont les plus grands. Ok, on trouve dans leurs disques assez de chansons pour remplir trois jukebox (et dans leurs comptes en banque de quoi nourrir l’Afrique pendant trois ans). M ais ces gars ont perdu la notion de danger et vivent comme des gestionnaires. Re-voici donc les Stooges, éternel groupe de renégats qui a (peut-être) inventé le punk. Maintenant, “I Wanna Be Your Dog” fait partie du répertoire des compétitions de air guitar et d’Emilie Simon, ce qui lui a ôté une grande partie de sa sauvagerie. Il n’empêche que The Weirdness, quatrième album des Stooges (le premier depuis Raw Power datant de 1973) sonne plus brut, direct et provocateur que ce que proposent la plupart des groupes de rock actuels. Il n’y a peut-être que les Queens Of A Stone Age pour rivaliser avec eux (on ne parle pas des groupes metal à la Mastodon). Sauf qu'ils n’écriront pas de refrain comme « my idea of fun is killing everyone », une des phrases que lâche Iggy Pop sur The Weirdness. Iggy reste un poil à gratter dans la bonne conscience américaine, une sorte de freak, un mec qui ne rentrera jamais dans le rang. Quelqu’un d’assez peu imprévisible. Bon, j’embellis mais, bien qu’il soit devenu une référence, il enfonce ceux qu’il a influencés. The Weirdness n’a pas la force de The Stooges, Fun House ou Raw Power, trilogie gravée dans l’acier. Certains morceaux de The Weirdness sonnent un peu lourdauds et communs. Pourtant, le disque, enregistré live à 95 %, dépote assez pour faire peur aux parents des ados actuels (surtout s’ils comprennent les paroles). Et Iggy reste le performer définitif, capable de transformer un plateau télé en arène. Tout à l’heure, il s’est agité comme un dingue, rendant fous les caméramen, les techniciens, le public. Peut-être, sans doute, qu'après sa prestation, il part dans son palace. Pendant une demi-heure, on n'y pas pensé. Devant moi, les Plasticines, gentil groupe de filles néo-twist habilement marketé. Leur disque, du sous-Blondie aussi menaçant qu’un caniche. A un moment, peut-être quand les Stooges jouaient “I Wanne Be Your Dog”, je pensais à elles qui devaient prendre une claque, une leçon d’humilité. Les groupes qui se reforment et s’aventurent à enregistrer un nouvel album décent qui n’insulte pas leur carrière, ça ne court pas les rues. Donc, gimme five, The Stooges, bravo pour le courage. Pourquoi croyez-vous que les Pixies ne s’y essayeront jamais ?

vendredi 2 mars 2007

Ahhh, Chaland...

Internet est grand et nous sommes tous ses prophètes. Au détour d’une recherche semi-automatisée, j’ai débusqué un forum de fans de la ligne claire dont une partie est consacrée à Yves Chaland, Abordons ligne claire style atome et style rétro. Les gens qui y participent sont incroyables : ils ont au moins une seconde vie dévolue à son œuvre, scannent à tour de bras des documents rares (beaucoup plus que cet ex-libris réalisé pour la librairie la Marque Jaune que j’ai néanmoins piqué au forum), parlent une langue très étrangère : le Chaland. Ils connaissent le moindre détail technique concernant l’édition originale de tel album, ont répertorié dans leur tête l’ensemble des sérigraphies, se posent des colles de malades. Pour un peu, on les prendrait pour les membres d’une secte ou une bande de psychopathes en puissance avec qui il ne faudrait pas jouer au con (« tu as corné mon édition limitée de Bob Fish ? Tu vas le regretter ! »). Je galèje : en fait, je m’aplatis devant leur connaissance, je m’humilie (et bave) devant leurs collections.
En mourant à 33 ans (il y a 17 ans) Yves Chaland a perdu le droit de poursuivre sa montée en puissance mais gagné son statut de dessinateur culte. Il fait partie des rares auteurs à bénéficier d’un semblant d’intégrale (aux Humanos) peut-être aussi parce qu’il n’a pas publié beaucoup d’albums (une dizaine). Styliste de l’ironie, fils new wave de Franquin et Tillieux, Chaland avait développé en peu de temps une signature, celle d’un classicisme qui aurait digéré des éléments parodiques, une version acide de la bd franco-belge de l’âge d’or (Le Jeune Albert, Freddy Lombard) qui échappait finalement à la caricature pour exister à part entière. Et puis il reste son trait, toujours unique en 2007. Stop le panégyrique. Tiens, j’avais oublié mais il m’est arrivé, lors d’un concours, de faire un exposé oral sur Chaland. Ça remonte aussi…
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