mercredi 14 mars 2007

Liberté d'être con ?


« Oh, il est bien François Bayrou. Il est intelligent, il se laisse pas embobiner. Il est brillant, pas snob. Hé ! Il serait bien comme président de la république peut-être ». C’est dégueulasse de tirer ces phrases de son contexte. Il n’empêche que Sfar les a écrites et pensées le 7 février dernier, jour où Bayrou, Hollande et un fax de Sarkozy sont venus apporter leur soutien à Charlie Hebdo grosso modo accusé de blasphème par des organisations musulmanes (elles récusent ce terme, elles, bien sûr) suite à la publication des caricatures danoises et une de Cabu où l’on voit Mahomet « débordé par les intégristes » déclarer : « c’est dur d’être aimé par des cons ». Sfar a assisté aux deux jours du procès et décidé de lui consacrer un de ses carnets, détournant la fonction première autobiographique qu’il avait attribuée à ce genre de livre pour raconter quelque chose en tant que spectateur. Comment comprendre qu’un dessin de Cabu, mal compris, peut davantage offenser des croyants que les terroristes qui salissent leur Dieu ? Ceux qui ont brûlé les ambassades danoises ne sont-ils pas plus coupables que les dessinateurs ? Moi qui suis athée je considère d’autant plus que s’attaquer à des caricatures est une occupation d’un autre siècle, le reflet d’une mentalité moyenâgeuse. D’ailleurs, les parties civiles se ridiculisent en intentant un procès dont même l’église catholique a abandonné l’idée (et pourtant des bigots intégristes ça ne manque pas, apparemment).
Dans Greffier, Sfar raconte donc ce procès, les interventions éclairées de professeurs, de penseurs, de Musulmans qui se sentent offensés qu’on veuille leur ôter la possibilité de rire d’une caricature… De l’autre côté, celui de l’accusation, on a affaire à des arguments grotesques, la prestation d’un piteux prêtre catholique aux sympathies plus que douteuses (le révisionniste Garaudy). Bon, j’arrête de paraphraser, ce livre a une vertu civique, intellectuelle. Sfar, en tentant d’en retranscrire le plus possible, avec comme d'hab ratures, texte dans tous les sens, laisse les idées se développer plus longtemps qu'une centaine de reportages de trois minutes sur le même sujet lors d’un quelconque 20H. Malheureusement, touchera-t-il d’autres personnes que la majorité déjà convaincue ? C’est à voir. Ce procès en forme de mascarade aurait-il dû avoir lieu, tout simplement ? Greffier devait sortir aujourd’hui, veille du rendu du jugement. Finalement, il sortira dans une semaine le 22, veille de la nouvelle date de rendu du jugement (d'après ce que j'ai compris, si ça se trouve, rien).
On ne peut même pas envisager que Charlie Hebdo perde. Mais quand même… est-ce que l'histoire de l'humanité tourne dans le bon sens ? Ça ne semble pas fragrant.

PS Sfar en a profité pour compiler ses chroniques de Charlie Hebdo dans le même volume. Qui sort chez Shampooing, collection de je n’avais pas parlé depuis au moins quatre jours. Il y avait un problème à la poste, je ne recevais pas mon chèque...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très bien, très bien, c'est sûr je vais acheter GREFFIER et j'ai hâte de connaître la décision du tribunal: conforme aux réquisitions je pense mais les arguments seront intéressants à décortiquer.

Vincent Brunner a dit…

Oui, la lecture des arguments sera intéressante sur l'état de notre démocratie. Tu verras dans la bouquin (et Sfar le dit) : on a l'impression que la bêtise avait clairement choisi son camp dans cette affaire. Et quand les choses deviennent trop manichéennes, ça pose problème.
je me suis rendu compte - ça n'a rien à voir - que greffier désignait aussi un chat. D'où la couverture.