dimanche 31 décembre 2006

Sous vos applaudissements

Celles et ceux qui habitent New York ou sont des fans hardcore pourront vivre la fin d’année 2006 avec Clap Your Hands Say Yeah (CYHSY, pour pas se faire chier). Perso, vu les prestations live du groupe américain, je ne suis pas sûr que ça constitue le réveillon rêvé. Il y a en premières parties Bob Mould (Husker Dü) et Owen Pallett, le violoniste d’Arcade Fire sous le nom de Final Fantasy. M'est avis que ça va manquer de groove et d’oubli pour être réussi. Mais bon. Il n’empêche qu’à la fin du mois de janvier, CYHSY va faire oublier ses débuts, sympathiques mais hypeux, pour rentrer dans le vif du sujet. Some Loud Thunder, son second album, ne s’appuie sur aucune béquille à la mode, ne vise pas la facilité ou le conformisme (voir les pauvres The Decemberists, rentrés dans le moule de la pop adulte depuis qu’ils sont sur une major). Alec Ounsworth, le chanteur le plus nasillard de New York et songwriter exclusif de CYHSY, déploie des mélodies en spirale et les autres musiciens, stimulés par le producteur David Friedman (gourou de la scène psyché US) ont ajouté beaucoup de nuances à leur palette autrefois un peu simplette. Le résultat a un goût assez profond, corsé et pas du tout mainstream. Sur son site (http://www.clapyourhandssayyeah.com/ ), le groupe a mis deux morceaux – mais pas les meilleurs, un autre sur son myspace.

samedi 30 décembre 2006

Divinations


« Par la conscience qui éternellement nous rêve Par la force qui fait tourner les mondes et briller les étoiles Par ce qui est et par ce qui n’est pas Par les souffrances de l’homme ses erreurs et son courage Puisse chaque jour vécu sur cette planète faire naître du cœur de l’univers Une étincelle de bénédiction pour l’ensemble des êtres, visible et invisible, dans cet espace et au-delà de cette espace, pour ce temps et l’ensemble des temps, au cœur de l’éternel présent ». Ceci n’est pas tiré d’un tract publicitaire de la secte du Mandarom reconstituée mais se cache dans les pages de garde finales de La Vie miraculeuse du clochard André. Sorti au printemps 2006 (mettons) chez Flammarion, ce livre de Vincent Ravalec (Cantique de la Racaille, Un pur moment de rock’n’roll) n’a eu aucun retentissement, à peine un pet dans l’eau. Je l’ai retrouvé dans ma bibliothèque ; il m’attendait là depuis que je l’avais acheté chez un soldeur. Il faut dire que la bibliographie de Ravalec a pris une drôle de tournure depuis L’Effacement progressif des consignes de sécurité (2001). Avant, ses histoires étaient souvent traversé d’expériences métaphysiques voire chamaniques. Ses nouvelles parutions visitent elles toutes le thème du jeu : si j’ai bien compris, grossièrement, ça reviendrait à estimer que l’existence est un jeu avec différents niveaux (de conscience). Bon, André le clochard s’inspire vaguement d’affaires récentes (le conseiller de Raffarin pris en flag avec une prostituée mineure, etc.) mais n’a rien d’une satire. Non, c’est « un livre de divination » selon la terminologie utilisée par Ravalec. En fait, on se balade entre farce, fulgurances et idées fumeuses. Mais au final, je suis resté soufflé, me demandant si Ravalec était visionnaire, fou ou se foutait de notre gueule. Reste qu’il cherche, prend des risques. A suivre, forcément.

vendredi 29 décembre 2006

For Ever


Le problème avec les livres de dessins c’est que l’on est obligé de revenir les voir à intervalles réguliers. Parce que ça ne se lit pas d’un trait, parfois les yeux ne peuvent plus suivre et les pages se tournent toutes seules sans procurer d’émotion et de joie dans la rétine, saturée d’informationd. Bref, depuis un an, je feuillette (moins que je ne devrais) Verve du dessinateur belge Ever Meulen. Le problème avec certains génies c’est qu’ils pourraient être plus connus (et faire des efforts dans ce sens) mais ils sont bien tranquilles dans leur vie de génie et s’en foutent. Fils d’Hergé et d’Escher, Ever Meulen a détourné la « ligne claire », ce style que seuls les idiots pensent simple à reproduire. Il y a presque vingt ans, les éditions Futuropolis d’Etienne Robial publiaient Feu Vert, première anthologie graphique d’un homme qui multiplie sérigraphies, illustrations (pour Humo, The New Yorker), affiches de festival, pochettes de disques (et même papier d’emballage d’esquimaux). Verve, dû aux éditions An 2, reprend le flambeau et le cours du temps (de 88 à nos jours). Il montre comment Ever Meulen (prénom Eddy) parvient à dépeindre un univers hérité des fifties (les bagnoles) ou du cubisme tout en ajoutant son sens des perspectives folles et impossibles. On perd la boule quand on examine vraiment ses dessins, plans et surfaces se télescopent et c’est jubilatoire (l’exemple ci-dessus © An 2 ne constitue vraiment qu’un petit échantillon). Il y a souvent trois idées par dessins, tellement intelligentes qu’on ne le voit qu’après s’être extasié sur le trait, les couleurs, etc. Dans sa préface, Art Spiegelman écrit : « j’aimerais pouvoir vivre dans le monde d’Ever Meulen ». Il a raison.

jeudi 28 décembre 2006

Noël sanglant


Quand on a le temps, comme moi ces jours-ci, de le prendre un peu, on peut faire des découvertes qui sauvent le moral. Surprise de fin d'année, la parution d'un livre de Manchette quasi-indisponible (il n'a jamais été réédité depuis 1982), L'Homme au boulet rouge (FOLIO POLICIER, dans les 5 euros). Cet ouvrage de commande date de 1972 et constitue en fait la "novélisation" d'un scénario de film western dû à Barth Jules Sussman, depuis rentré dans le rang des parfaits inconnus.

Comme le rappelle son fils Doug Headline, à l'époque Manchette n'est pas encore le héraut du polar français, il carbure et gagne sa croûte en pondant du signe, de la traduction et un peu n'importe quoi. Sauf que dans son cas, ses écrits ne sont jamais communs.

Un exemple : "Au même instant les Versaillais ont enfin repris l'église Saint-Christophe, à la Villette, et ils marchent dans le sang, mais Pruitt n'en sait rien, il n'en saura jamais rien, la question ne présente pour lui aucun intérêt. C'est que Pruitt est assis sur le perron d'une vaste baraque croulante, en bois, à peu près au milieu de l'Etat du Texas, et il est occupé à néttoyer son arme, un Remington à simple action, dont la crosse de noyer est rayée et blanchie par les chocs, la sueur, le sable".

Un western qui commence par un clin d'oeil avec la Commune, ça rafraîchit. A noter que Manchette aurait suivi le scénario mais placé quelques remarques marxistes. "Aurait" car je ne l'ai pas lu, tout juste acquis dans un supermarché culturel en surchauffe avant d'aller voir Babel, grosse pièce montée remplie de bons sentiments, du cinéma de synthèse dû au réalisateur de 21 grams qui a pris du poids depuis... Certains considèrent ça comme le meilleur film de 2006. Ce qui s'avère assez instructif sur l'état du cinéma.