jeudi 12 avril 2007

Fiume, c'est du belge


C’est facile de refermer le premier volume de Par les chemins noirs avec la satisfaction d’avoir été captivé (voire capturé parce qu’après il faut attendre la suite). David B se sert du format du récit d’aventures pour le fourrer par tout ce qui l’excite que ça soit graphiquement, poétiquement, historiquement, philosophiquement (tous ces adverbes épuisent, désolé) Ça reste tout de même de l’aventure avec des bagarres, beaucoup, de la romance naïve, et des mystères (mais pas trop). Les Prologues s’ouvre sur une scène de virtuose incroyable (gros plan sur une foule en pleine baston), contient des pages étourdissantes. Par exemple, chez d’autres dessinateurs plus classiques, les passages informatifs, voire récitatifs, seraient vécus comme une contrainte, ici, ils instruisent et éblouissent.

L’action se déroule dans la ville italienne de Fiume (aujourd’hui Rijeka en Slovénie), ville qui aurait dû revenir à la Yougoslavie après la deuxième guerre mondiale (selon l’antique Société des Nations) et qu’Annunzio aurait annexée avec 300 soldats pour la déclarer « état indépendant ». Annunzio n’était pas un militaire mais un écrivain aventurier, auteur de romans remarqués, collaborateur de Debussy quand il était à Paris. Ce que raconte David B, c’est son utopie politico-poétique, son attrait pour les arts et un état différent. Dans les faits, il s’entoura de syndicalistes, aventuriers et nationalistes et la vie à Fiume devait ressembler à un beau bordel (d’où les bagarres). C’est très fort d’avoir choisi cette bulle un peu hors du temps (l’expérience avant-gardiste de Fiume ne dura que deux années) comme décor, car Fiume reste (pour moi qui la découvre en tout cas) un objet de fascination incroyable. Pour qu’on ne me cherche pas de poux dans mes cheveux trop longs (je dois les couper en prévision de l’été), je dois signaler que d’Annunzio est soupçonné par une minorité d’avoir été un pré-fasciste. Sauf qu’il n’a pas participé au gouvernement de Mussolini et que dans sa constitution figuraient trop d’idées (l’égalité des sexes devant la loi, salaire minimum… ) qui ne vont pas dans ce sens.
Mention spéciale au titre choisi par B pour ouvrir sa série : Les Prologues (« des bandits », « du poète », « des amoureux », etc.) C’est ingénieux.
PS Je n'ai même pas honte du jeu de mot complètement naze (et "irrelevant") du titre.

Aucun commentaire: