vendredi 22 juin 2007

Un bon Steak


On a l’habitude de considérer Tarantino comme un cinéphile. Mais en fait lui qui a ingurgité quantités de séries B ou Z, est plutôt une autruche coprophage. Qui a vu Death Proof, la première partie de la double affiche Grindhouse (l’autre est réalisée par Robert Rodriguez) en conviendra : Tarantino, à force de références, private jokes et autres héritages débiles, a perdu la force de son cinéma. Kill Bill faisait illusion malgré la prolifération de citations ; Death Proof qui n'est malheureusement pas à l'épreuve de la bêtise, boit la tasse. Sorte de road-movie sans scénario, mal rafistolé pour faire fauché, de buddy movie féminin où tout est gratuit (strip-tease, carambolages, morts, etc.) sauf la place de ciné, Death Proof dresse un triste constat. Quiconque est capable de perdre du temps à monter cette demi-merde manque singulièrement d’idées. Seule trouvaille : réhabiliter la chartreuse verte.
A côté de Death Proof, Steak est incroyablement plus intéressant, novateur et personnel. J’avais eu la chance il y a quelques années d’assister à une projection au Max Linder de son premier long (moyen ?) métrage, le Non Film, sorte de grand bordel minimaliste tourné en Espagne avec caméra tremblante et bandes d’acteurs-potes, Sébastien Tellier en tête. Une manière de dépenser le fric gagné avec Flat Eric selon Quentin Dupieux, plus connu comme musicien sous le nom de Mr Oizo. Selon Libé, Arte aurait acheté les droits d’une version raccourcie du Non Film, il ne faudra pas louper cet objet visuel déconcertant.
Par rapport au Non Film, Steak a une gueule de vrai long-métrage, un scénario, de vrais acteurs. Mais ça reste signé Quentin Dupieux, on retrouve sa patte que ça soit dans le scénario un peu délirant et la réalisation (goût pour les plans-séquences, pour un cinéma qui s’efface). Puis il y a Eric et Ramzy qui font autre chose que leur numéro de duettistes habituels. Une des bonnes idées de Dupieux est de s’être appuyé sur leur nom (d’abord pour monter le film) pour essayer de déconstruire, avec leur assentiment, leur couple qui évolue ici loin de la Tour Montparnasse infernale
On ne rit pas aux éclats pendant Steak. Si certaines répliques resteront peut-être dans l’inconscient des ados (« tu crains à l’infini »), le film navigue dans un entre-deux absurde, critique de nos courses aux modes. Ça fonctionne et l’intrigue, malgré quelques trous d’air, ne s’étiole pas. J’espère franchement que Dupieux pourra refaire plein d’autres films.


Des bouts de bande-annonces ici :

12 commentaires:

Li-An a dit…

Ah, je ne suis pas du tout d'accord. J'ai adoré Kill Bill (le 1 surtout) et beaucoup aimé ce Boulevard. C'est vrai que la première partie m'a laissé fort perplexe mais c'est pour amener une seconde partie complètement jouissive. Il y a des idées de mises en scène effarantes et je suis ressorti avec la banane.

Vincent Brunner a dit…

Ah, tiens... On n'a pas du tout regardé ce film avec le même oeil. Je suis curieux de savoir quelles idées t'ont plu.
Que ça ne t'empêche pas de donner ta chance à Steak qui ne manque pas d'idées de mise en scène...

Li-An a dit…

J'adore le passage du noir au blanc à la couleur (j'ai fait wouaw tout fort dans la salle. Avec une super chanson en fond. Aussi fort pour moi que l'apparition de la blonde dans Lost Highway de Lynch).
Dans la première partie (il ne faut pas oublier que nous avons "droit" à la version longue et donc avec des dialogues rallongés), les filles parlent littéralement pour ne rien dire, alors que dans la seconde, leur dialogue est utile, leur donne une vraie personnalité et des pistes pour la suite. J'ignore si Tarantino considère que l'ennui fait partie du genre traité ou si la mort programmée des filles rend leur discours futile mais ça m'a frappé. L'accident/meurtre est inédit pour moi (on voit littéralement les filles mourir à l'intérieur de la voiture). Les deux policiers (écho du shériff de Kill Bill) ressemblent aux habituels flics demeurés des séries Z citées sauf qu'ils ont tout compris aux motivations du méchant et qu'ils sont trop paresseux pour l'empêcher de nuire.
Denier "détail": les filles passent leur temps à parler cul sauf qu'elles n'ont pas dépassé le stade du bisou ou même du pelotage dans leurs histoires sentimentales.

Vincent Brunner a dit…

Explications intéressantes. Je n'avais pas intellectualisé le film comme ça.

Li-An a dit…

Comme quoi je peux être intéressant quelques fois...:-)

Vincent Brunner a dit…

J'ai déjeuné avec quelqu'un qui avait aussi adoré. Son regard était également moins primaire que moi. Carrément analytique !

Li-An a dit…

Elle avait les yeux verts ? C'est la première fois que j'entends parler du regard d'une fille en utilisant le terme "analytique" (ça va, je rigole).

Vincent Brunner a dit…

je ne me souviens pas de la couleur de ses yeux ;) Non, c'était un déjeuner de boulot.

Glorb a dit…

Ca me fait plaisir de voir que Li-an est d'accord avec moi. J'ai beaucoup aimé ce boulevard de la mort. Le titre est pourri. A l'épreuve de la Mort, ça aurait été classe quand meme, mais bon ça aurait ptet fait trop film actuel musclé et pas assez film vintage.

Pour en revenir au film, passé une petite frayeur au début, quand je em suis demandé si la forme (j'entend par là les effets de décalage, n/b & couleur, grain) n'allait pas gacher le fond et m'empecher de rentrer dans le film, j'ai complètement accroché au tout. J'ai meme retrouvé un peu le Tarantino que j'avais perdu avec Kill Bill (que j'ai bien aimé aussi mais qui était très esthétique). La, les personnages, les décors, les situations sentent la sueur, ça fait plaisir.

Sur les discussions que les jeunes femmes peuvent avoir, ça passe comme des étapes lentes permettant de comprendre un peu mieux les personnages et de créer une ambiance qui se retrouve à chaque fois en opposition complète avec la phase d'action.

Je trouve aussi que c'est un film sur les femmes, filmé avec beaucoup de style. Elles sont belles, elles sont franches et la scène où elles se baladent sur le parking pendant que quelqu'un les photographie au loin est très naturelle.

En point culminant la loooooooongue scène d'action de la deuxième partie, qui dure, dure, et dure.

J'ai lu un article qui expliquait l'opposition entre les deux parties en : partie 1 ambiance 70's les femmes perdent, partie 2 : ambiance 00's les femmes ont leur revanche. Ca ne m'avait pas sauté aux yeux, mais c'est pas faux non plus.

Bon et pour Steak, je suis pas ultra motivé, parce qu'Eric et Ramzy ça freine, mais c'est vrai que Brice de Nice (du meme réalisateur) était intéressant sur certaines idées, un peu absurdes un peu décalées (comme l'anomalie physique de son accolyte) du coup je le verrai par curiosité à l'occasion je pense. :)

Anonyme a dit…

Bon, pour le Tarantino, je suis en minorité, donc je m'écrase, épuisé par vos arguments brillants.
Quant à Steak, je pense que c'est un four (ah ah), il n'a pas dû trouver son public, trop absurde pour les fans habituels d'Eric et Ramzy, trop décalé (du fait de la présence des mêmes) pour un public plus mûr.
Enfin, Glorb, je ne sais pas d'où tu sors que Quentin Dupieux a réalisé Brice de Nice, c'est un certain James Huth. Ou alors c'est un pseudo de Dupieux et c'est un méga scoop que tu dégoupilles, comme ça, à la tranquille.

Glorb a dit…

Désolé ça doit etre l'effet reprise je pense. Je ne sais pas d'où vient ma confusion.

pardon.

Anonyme a dit…

En même temps que Dupieux ait réalisé Brice de Nice aurait été amusant. Et bien pour son compte en banque !
Que ça ne t'empêche pas d'aller voir Steak si tu en as l'occasion (et que tu ne payes pas trop tard ta place).
J'ai pas vu Brice de Nice, c'était divertissant, même pour quelqu'un qui a plus de 13 ans :) ?