vendredi 25 mai 2007

le sens du collectif


Il existe deux fatalités dès qu’on ouvre un album collectif.

La première tient au inévitable caractère inégal du bouquin. Impossible pour le lecteur d’adhérer complètement au casting, impossible pour les participants de satisfaire les attentes, d’être systématiquement inspirés. Il y en a forcément qui s’en tirent mieux que les autres, c’est la règle du jeu.
Evacuons d’entrée les albums hommages. Dans ceux-là, la présence vaut souvent acte de création, un crobard vaut intention et il ne faut pas en attendre grand-chose (pastiche, etc)
Et puis les autres qui voient une brochette de dessinateurs plancher sur le même thème, aussi casse-gueule. Il y a quelques mois, le recueil collectif de saison chez Dargaud (Vive la politique) n’échappait pas à cette loi sacrée de l’inégalité. Des bouts rigolos (Mathieu Sapin, Frantico, Bouzard), d’autres carrément mous et une impression finale mitigée.
Notons quelques exceptions, comme la série des Frank Margerin présente, héritage de l’humour Métal qui voyait Schlingo (RIP) et la paire Dupuy-Berberian (par exemple) voisiner. Des thèmes suffisamment larges (« le sport », « les animaux », « les femmes » – je n’invente rien) pour un résultat forcément inégal mais réjouissant en partie. Autres contre-exemples : une série chez Autrement d’albums thématiques au casting particulièrement fin (Emerson-Montellier-Bézian-Trondheim-Blutch-Menu pour Noire est la terre avec une courte histoire de Lapinot je crois vue nulle part ailleurs)…

La seconde fatalité consiste à rappeler la première.

Tout ça pour parler de Bébés congelés – chiens écrasés, album collectif chez Albin Michel. Configuration spéciale : le collectif a été formalisé sous le nom de Bonobo VI et réunit d’album en album les mêmes – Catherine, Charb, Jul, Luz, Riss, Tignous. Après s’être consacré à Mozart (premier essai moyen), les voici qui s’attaquent aux faits divers, une idée bien moins artificielle selon mon goût. Hé bien, patatras, la loi de l’inégalité se trouve confirmée. Un Jul en petite forme aux gags déjà périmés (à cause d’allusions politiques), un Charb bagarreur et auteur de la planche la plus drôle du livre. Et surtout un Luz des grands jours qui sème son regard vachard là où ça fait mal. Deux possibilités : attendre son intégrale de 2033 en 20 volumes. Ou acheter le bouquin (presque) juste pour lui.

Aucun commentaire: