mardi 13 février 2007
Happy Monday
Erreur du lundi matin. J’ai failli chialer au petit déj’. La raison de mon émoi : la lecture d’Un Homme est mort, bande dessiné de Kris et Etienne Davodeau. On n’est pas obligé d’aimer le trait de celui-ci qui nivelle un peu ses personnages (il faut de l’attention pour les différencier). Mais l’histoire vaut qu’on persévère. Brest, 1950. La ville bretonne se reconstruit après la guerre mais les habitants crèvent la faim. Une délégation constituée notamment d’une députée communiste essaye d’obtenir « du pain et du lait » de la mairie. Dans un climat très contestataire, une manif est organisée pour protester contre l’arrestation de la députée. Sous la pression d’un secrétaire d’état, le maire prend alors un arrêté anti-daté pour réprimer la manif. Les premiers rangs, formés des responsables syndicaux, essuient des tirs à balle réelle et un homme, simple militant, Edouard Mazé, est tué. Le réalisateur de documentaire René Vautier (Afrique 50, apparemment le premier film anticolonialiste) revient à Brest pour capturer sur bobine les événements. Le voilà donc qu’il part filmer, recueillir les témoignages, figer pour l’éternité les visages des militants, des simples gens. Sauf qu’il ne dispose pas de micro. Au moment du montage, il a l’idée d’enregistrer, en guise de commentaire, un poème de Paul Eluard : “Un homme est mort”. Ce film sera ensuite projeté aux gens de Brest (sous la formule du cinéma ambulant) des centaines de fois. Jusqu’à ce qu’il soit détruit. De ce film militant devenu culte, il ne reste plus rien. A part ce livre, celui de mon grave petit-déjeuner, livre qui est dédié à son histoire, vraie de bout en bout (mise à part les astuces fictionnelles obligatoires). Je ne lui ai sans doute pas rendu justice. En tout cas, ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps (peut-être le dernier Taniguchi) d’être ému comme ça. Un homme est mort constitue un sacré bout de mémoire vivante, un petit bout au regard de l’ensemble de l’histoire humaine, mais un bout qu’il fallait conserver. Bravo donc aux auteurs pour s’être acquitté de cette tâche d’utilité publique. Une dizaine de pages, après la bande dessinée, fournit d’éclairants témoignages et documents, en plus d'un retour sur sa conception. A part ça, je n'achèterai pas l'édition noir et blanc du 5e Chat du Rabbin. Faut pas déconner, j'ai pas une bibliothèque de 50 m2 et ça serait du luxe superflu, très.
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