vendredi 27 avril 2007

Cité 14




« Cité 14 ce n’est pas un chef d’œuvre mais ce n’est pas dénué d’ambition. Et l’ambition qui anime Cité 14 c’est la même que celle qui anime la rondelle de saucisson, au moment de l’apéro, ou l’éclair de chocolat dans la devanture du pâtissier ». La présentation du scénariste Gabus (dont est extraite la citation plus haut) est décontractée et amusante, le trait de Reutimann plaisant.
Si le feuilleton vous procure le même plaisir qu’à moi, voici le premier volume de Cité 14 (première saison). Une entreprise qui jure avec les conventions actuelles : petit fascicule d’une trentaine de pages, un rythme de sortie mensuel et un prix volontiers riquiqui (un euro).
Oui, un euro. Le premier épisode se lit forcément vite et introduit le personnage de l’immigrant Michel Elizondo, éléphant maçon qui cache (bien sûr) un big mystère.
Sur le site de la série, http://www.cite14.com/, on voit les prochaines couvertures, le descriptif des personnages, de tous les personnages – même ceux qu’on ne connaît pas encore - et un forum permet de dialoguer avec les auteurs et l’éditeur, Pierre Paquet (pour l’instant, la question la plus fréquente porte sur la rentabilité de la chose).
A suivre, forcément…

mercredi 25 avril 2007

Festival de Sfar




Je voulais saluer la sortie de Contrapunktiques, réédition chez L’Association de quelques bandes dessinées au trait hérissé signées Marc Caro – car Caro a eu une vie avant le cinéma. Juste le temps de dire que son ton était déjà là, bien avant le Bunker de la dernière rafale et (a fortiori) Delicatessen que... soudain, j’apprends que Sfar est l’invité spécial du festival de Cannes – Gilles Jacob aurait apprécié Greffier au point de vouloir sa présence.


Selon le dossier de presse, il aurait accès aux coulisses et serait « la petite souris » du festival. Ça devient indécent cette reconnaissance ! Ses dessins seront mis en ligne sur le site du festival au jour le jour (http://www.festival-cannes.fr/) dès le 16 mai.

Kings Of America


Des Kings Of Leon, je n’en avais pas jusque rien à faire, pratiquement. Version barbue des Strokes, ce groupe ricain labourait son sillon sudiste néo-Creedance – rien de désagréable, rien de vital.
Et puis ils sont partis en vrille, ont vraiment cassé leurs habitudes. Quand la plupart des artistes revendiquent le changement perpétuel, eux ont véritablement réalisé leur révolution interne. Sur Because Of The Times (ah ouais ?), leur troisième album, les Kings goûtent aux extrêmes, ralentissant jusqu’au déraisonnable (oui, j’exagère), prolongeant leurs chansons au-delà des formats rock, hurlant leur appétit nerveux de sensualité quand il le faut – “Charmer”, un des morceaux les plus forts du moment, une petite bombe électrique avec sa ligne de basse et sa structure épileptique à la Pixies.

Oui, le groupe s’est ouvert à d’autres influences, d’autres vents et ça lui réussit. Sur leur myspace (http://www.myspace.com/kingsofleon) il manque à l’appel “Charmer” mais quelques morceaux donnent un aperçu de l’émancipation que les Kings Of Leon se sont arrogée. Un disque qui ne doit pas passer à l’as et être éclipsé, par exemple, par le prochain White Stripes.

mardi 24 avril 2007

Ruppert et Mulot



« C’est sur ce déséquilibre qu’on va essayer de trouver la chute ».

Mots clés : Ruppert, Mulot, décalage, expérimentation, humour

Punchline (tronquée) : « Itchy & Scratchy chez Wittgenstein ».

Ambition cachée : essayer de passer deux minutes pour un spécialiste de deux auteurs que je viens de découvrir (alors qu’ils publient depuis deux ans) aiguillé par un bandeau post-Angoulême («prix révélation »). C’est la honte.

Bon sang, je suis remué comme un puceau depuis que j’ai eu dans mes mains Panier de singe du binôme Florent Ruppert/Jérôme Mulot (apparemment, ils partagent toutes les responsabilités) qui reprend des récits en partie publiés chez Ferraille (alors en couleurs, des couleurs qui adoucissaient un peu les histoires).

Il est question ici de décalage, entre les personnages au visage neutre et la violence de la chute, entre les dialogues insignifiants (souvent copiés du réel) et la structure des pages. Ce monde absurde n’est pas détraqué, il fonctionne simplement selon une logique farceuse et morbide. Les gestes, analysés, perdent leur importance ; les mots semblent aussi se vider suite au clinique travail de sape opéré. J’ai l’impression qu’ils testent l’élasticité de ma sensibilité, ils tirent dessus, la relâchent soudainement pour ensuite la tendre . Le pire est que, souvent le rire ponctue la lecture, entre malaise et soulagement. Leurs albums sont un peu comme du punk froid à l’humour noir/ou potache, de la bande dessinée qui porte en elle sa déconstruction, jouant avec le langage et le mouvement. On pourrait dire que c’est la rencontre d’« Itchy & Scratchy » avec Wittgenstein – mais ça serait n’importe quoi. En tout cas, c'est dans la logique de l'Oubapo.
Ruppert et Mulot aussi font appel à des procédés visuels comme les phénakistiscopes ou les stéréoscopes – cette fascination se poursuit d’ailleurs sur le site http://www.succursale.org/ avec la version animée des phénakistiscopes et autres jolies trouvailles.

Dernière sortie en date : Gogo Club, toujours chez l’Association qui reprend le procédé de dédicace déjà montré dans l’Eprouvette numéro 1 («On recherche généralement des situations tendues , en tout cas en déséquilibre avec ce que l’on est en train de vivre avec la personne. Et c’est en fait sur ce déséquilibre qu’on va essayer de trouver la chute », expliquaient-ils alors à JC Menu). Avec eux, les lecteurs repartent les mains vides mais deviennent des personnages. Comme certains musiciens jouent du piano préparé, Ruppert et Mulot préparent les situations et les chutes, incorporent dans la page le dialogue avec la personne (réelle) qui se présente… La deuxième partie de Gogo Club va beaucoup plus loin mais je ne vais pas en raconter plus, c’est trop intelligent pour que je déflore.

Je vais me jetter sur le reste...

samedi 21 avril 2007

Costello vs Aguilera

Lors de la diffusion récente française d’un épisode de la sérié télé Dr House, série médicale qui vaut surtout pour l’humour noir du personnage principal misanthrope, stupéfaction finale. D’abord, la voix de Costello, la certitude d’entendre un morceau inédit puis celle d’avoir affaire à une reprise d’un truc populaire de pas très bon goût. En fait, Costello a enregistré exclusivement pour le show il y a deux ans une reprise de “Beautiful” de Christina Aguilera. Une version pas du tout grandiloquente comme les ballades au piano dont Costello est friand, non, quelque chose d'un peu plus piquant.
L’épisode débute par l’original, écouté par une gamine atteinte du cancer si bien que la cover de Costello boucle la boucle. J’ai cherché le morceau ailleurs (mais pas partout, j’avoue), je ne l’ai pas trouvé ailleurs que sur ce court passage extrait de la version allemande de Dr House (voir les quelques dialogues).

http://www.youtube.com/watch?v=itmItF1aQes

Miss Pas Touche


Une histoire qui se complète en deux fois 46 planches, suffisamment captivante sans délayer avec des coups de théâtre gratuits, noire et dure malgré les couleurs légères de ce Paris des années 30 reconstitué, un ton ni naïf ni gore. Avec la sortie du deuxième volume de Miss Pas Touche, Du sang sur les mains, Hubert (scénario + couleurs) et la paire Kerascoët (au dessin) ont réussi un modèle de série populaire comme Tardi adaptant Malet. Sauf que l’action se passe dans un bordel.
Le tandem formé par Marie Pommepuy et Sébastien Cosset (qui œuvrent ensemble donc sous le nom de Kerascoët) est un disciple très prometteur de Sfar. Ça relève de la logique, vu la collaboration autour de Petit Vampire en dessin animé ou de Donjon Crépuscule.
De toute façon (même si les pages de garde de Miss Pas Touche entretiennent la comparaison) Kerascoët promet déjà plus que le résultat d’une éventuelle influence assumée. Le site du couple affiche la variété de leurs travaux : de couture, graphisme (pour les Galeries Lafayette)… Il y a même des séquences animées, des jeux (habillons mademoiselle !). Et beaucoup de dessins, certains sont sublimes (notamment un pour la marque de maroquinerie Manhattan Portage, digne d’Ever Meulen).

http://www.kerascoet.fr/

jeudi 19 avril 2007

La faute à Dylan


Il y a deux ans, le marché du DVD ressemblait à une unstoppable invasion, on pouvait même avoir peur qu’ils contaminent les librairies, les boulangeries, une horreur. Finalement, l’enivrement consumériste a un peu baissé d’intensité, sans doute parce que les Dvds ça prend de la place et que, en règle générale (il y a des exceptions), son contenu se mord la queue (autopromo en guise de documentaire, etc.) Malgré cette intro, la sortie en DVD de Don’t Look Back a un goût d’événement récent et une bizarre urgence (42 ans après que les images ont été tournées, 40 après sa sortie !).
De ce film, on connaît tous au moins ce qui peut faire figure de premier clip vidéo : Dylan enchaînant devant l’objectif des feuilles de papier avec, dessus, les mots clés de la chanson “Subterrean Homesick Blues” et à l’arrière plan à gauche Allen Ginsberg

(http://www.youtube.com/watch?v=2-xIulyVsG8) .

Dylan en 65 est l’objet d’une célébration mondiale et d’une mésentente aussi vaste. Adulé comme le prince du folk, étiqueté comme le porte-parole de cette jeunesse qui se rebelle contre l’autorité, Bobby la Malice n’a que faire de toute cette considération. Il s’apprête à basculer publiquement dans l’électricité mais tourne en solo acoustique en Angleterre. Le public, les fans, les journalistes ont tous un épisode ou une saison de retard à son sujet. Ce dont on s’en rend bien compte dans le film de D.A . Pennebaker qui le suit presque partout : pendant les trajets d’une ville à l’autre, dans les salles de concert, les backstage, sa chambre d’hôtel transformée en foutoir bohême avec Joan Baez constamment en train de chanter. Ce regard intime a capturé Dylan tel qu’il était : insolent, touché par la grâce (voir ses prestations en solitaire, la manière dont il crée parfois en direct), drôle et libre dans sa tête. En 1965, Dylan est le rock’n’roll, il excite les filles (et les garçons), fait peur aux parents (c’est un anarchiste, un communiste ?). En 2007, ce Dylan-là, le jeune, a gardé son charisme, sa puissance de fascination – mettez le à côté de Jack White ou de Thom Yorke et ceux-là passeront pour auto complaisants et manquant dramatiquement d’humour et d’énergie).
Si vous êtes motivés et que vous avez un peu de budget, il faut se payer l’édition luxe de l’objet qui contient non seulement une heure d’images inédites (pas retenues à l’époque par Pennebaker et montées par lui-même trente ans après), un livret qui reprend toutes les scènes et les dialogues du film, un flip book avec le début de Don’t Look Back (soit le « clip » de “Subterrean Homesick Blues” dont on voit d’ailleurs deux autres versions aussi décalées). Les Dylanlcooliques apprécieront aussi les cinq chansons en pistes sonores et les commentaires de Pennebaker et de Bob Neuwirth, road-manager de l’époque de Dylan. Quant il y a matière à culte, autant y aller à fond, non ?

PS : Pour en finir avec “Subterrean Homesick Blues”, voici la parodie de « Weird Al » Yankovic, rien qu'en palindromes:
http://www.youtube.com/watch?v=Nej4xJe4Tdg

mercredi 18 avril 2007

80 euros ?



Sur son site (www.lewistrondheim.com , dans la rubrique miscellanea) Lewis Trondheim a l’habitude de mettre aux enchères certains objets du culte. La dernière fois, je crois, c’était une édition limitée des Carottes de Patagonie. Là, c’est son pass du festival Angoulême (et un mec serait assez couillon pour claquer 80 euros car apparemment les enchères sont closes). Je suspecte un canular, une énième preuve de perversité comique (c’est pas possible d’en arriver là quand même).
D’ailleurs, il annonce dans le même temps un livre dessiné à quatre mains avec Frantico – non, là, c’est à mon tour de blaguer (tout le monde le sait maintenant : Frantico c'est Zep quand il est somnambule).
N’empêche, une transaction déroutante…

Cassadaga


Problématique du jour : un jeune songwriter d’une vingtaine d’années peut il faire de la musique excitante tout en endossant le costume de son grand-père ? Conor Oberst est cet Américain prodige qui enchaîne les disques depuis bien avant sa majorité, des disques de folk à la mélancolie viscérale. Il y a un an et demi, il avait exposé un début de schizophrénie avec le diptyque I’m Wide Awake It’s Nothing/Digital Ash In A Digital Urn. D’un côté, il s’affirmait comme l’héritier du Neil Young d’Harvest ou de Gram Parson, le héraut martyr du country-rock. De l’autre, il s’essayait à des arrangements plus modernes, mariant son spleen bichrome aux couleurs d’un electro biscornu. Cassadaga, du nom d'une ville de Floride qui l'a inspiré, montre qu’il a choisi (aidé par sa nouvelle grosse maison de disques ?) la voie du classicisme avec un orchestre à cordes (comme dans Harvest, again), des chœurs bien country et une bonne bande de potes venus jouer ici de la guitare, là de la voix (M.Ward, Gillian Welch, Rachel Yagamata, John Mc Entire de Tortoise…l’orchestre du splendid indie ). Seul motif décalé : la présence du chanteur Hassan Lemtouni (on ne peut pas accuser Oberst de flatter les oreilles redneck). Que faire face à ce disque d’un autre âge (à côté les Klaxons sont des voyageurs du futur) ? L’adopter parce qu’Oberst reste un chanteur touchant qui rajeunit le folk à papy. Sur le clip de “Four Winds”, il fait encore plus jeune que prévu et finit, lui et son groupe, bombardés de projectiles comme les troubleurs de fête qu’ils sont.
http://www.youtube.com/watch?v=XaV-nGQ5yqw

Signalons la pochette du digipack d’un gris dégueulasse qu’un « décodeur spectral » permet de transpercer – effet garanti – pour découvrir un charmant dessin naïf.

vendredi 13 avril 2007

Francis Masse


C’est un dessinateur peu connu qui a été haï par les critiques rétrogrades pour ses histoires trop intelligentes et a pris, il y a une dizaine d’années, sa retraite de bande dessinée pour aller ailleurs (la sculpture, apparemment). Francis Masse est un cas, un auteur qu’on est obligé de présenter peu accessible (textes envahissants, utilisation de jargons scientifiques) tout en déplorant d’avoir à l’écrire. Parce ce qui guide son œuvre reste un sens de l’absurde à rendre fou Gary Larson (oui) et que les verbiages intellos cachent (mal) un esprit loufoque et visionnaire, acerbe et juste. Venu de l’underground (les fanzines seventies) il a disséminé ses personnages à gros nez à troubles comico-cérébraux dans toute la presse BD des années 80 (Métal Hurlant, A Suivre, Charlie, Pilote, l’Echo…) et ça constituait en soi-même un virus, quelque chose à part de tout. Toutes en trames, perspectives et rayures, ses histoires étaient aussi originales graphiquement.
Il y a une exposition aux Sables d’Olonne qui commence (voir ici : http://www.amisdumasc.com/spip/spip.php?id_article=14 ) et par concours de circonstance je vais pouvoir y aller. Il y a surtout deux rééditions : On m’appelle l’Avalanche chez l’Association et l’Art attentat au Seuil. L’Avalanche, c’est un long récit (l’unique, d’ailleurs) paru dans Métal Hurlant mettant en scène un Indien dans un milieu urbain… un long trip hardcore que je déconseille pour faire connaissance. L’Art attentat fait lui se succéder de courtes histoires des 90’s où l’on voit un politicien adapter son discours à la courbe d’un sondage réalisé en direct (quand je vous disais, visionnaire !) un héros de deux dimensions détester les courbes ou un banc devenir une œuvre d’art (cf l’histoire éponyme qui ouvre l’album). Des idées folles, cruelles et drôles à chaque page où les objets et les concepts prennent vie. Masse se moquait de la bande dessinée tout en maîtrisant ses codes – la chute est toujours drôle, inattendue – si bien que cet album est encore d’un avant-gardisme incroyable. Ses histoires sont exigeantes, on ne peut les lire distraitement, mais si on est en bonne forme, on se régale (l’Art Attentat a été mis en couleurs par Paquito Bolino). En plus, un petit fascicule noir et blanc a été ajouté en cadeau, Le Roi de le monde présentée comme sa première bande dessinée.
Je ne crois pas que son Encyclopédie en deux volumes pareillement fous (Humanos Associés) ait été rééditée, il faut sans doute fouiner pour la trouver. Il y a peut-être plus de chance pour Les Deux du balcon chez Casterman où un pseudo-savant instruit son compagnon à casquette. Son 30/40 chez Futuropolis est encore un peu dispo (même sur le site de la Fnac).

Je ne sais pas pourquoi mais il me fait penser à K.Dick. Faudra creuser…

jeudi 12 avril 2007

Urani


Et puis je ne sais pas pourquoi mais de Fiume, je suis parti à Urani, autre ville européenne utopique. Vous vous souvenez de La Ville des mauvais rêves ? Il y a sept ans, David B et Sfar s’associaient pour une nouvelle série, écrite et dessinée à vingt doigts. Elle n’aura connu qu’un tome, celui-ci, toujours disponible en librairie. Il devrait y avoir un sticker : « attention, cette histoire n’aura jamais de fin ! ». Dans La Nouvelle Bande Dessinée, livre d’entretiens d’Hugues Dayez, Sfar déclarait : « il faut avoir l’honnêteté de reconnaître qu’Urani était une erreur. On s’est amusés à faire cet album, mais au final, l’histoire est incompréhensible, elle ressemble à certains phénomènes que je n’aime pas en bande dessinée : des auteurs qui se font plaisir en oubliant le lecteur, un récit qui part dans tous les sens, des personnages pas très attachants… En fait, David est un de mes meilleurs amis, et nous voulions tous les deux prolonger cette amitié dans un projet commun. Malheureusement, la mayonnaise n’a pas pris ».
A la relecture, Sfar a toujours un peu raison (récit décousu, expérimental avec sur une planche une moitié Sfar une moitié David B, des pistes ouvertes à tous vents) et en même temps je nourris des regrets. Des « personnages pas très attachants » ? Il y a Odin, le savant qui n’a qu’un œil et a créé une femme mutante, Europe, super héroïne de la CEE, le Tigre qui se fait zigouiller en plein milieu… Faudrait les séquestrer pour qu’ils la continuent cette série, honnêtement…

Fiume, c'est du belge


C’est facile de refermer le premier volume de Par les chemins noirs avec la satisfaction d’avoir été captivé (voire capturé parce qu’après il faut attendre la suite). David B se sert du format du récit d’aventures pour le fourrer par tout ce qui l’excite que ça soit graphiquement, poétiquement, historiquement, philosophiquement (tous ces adverbes épuisent, désolé) Ça reste tout de même de l’aventure avec des bagarres, beaucoup, de la romance naïve, et des mystères (mais pas trop). Les Prologues s’ouvre sur une scène de virtuose incroyable (gros plan sur une foule en pleine baston), contient des pages étourdissantes. Par exemple, chez d’autres dessinateurs plus classiques, les passages informatifs, voire récitatifs, seraient vécus comme une contrainte, ici, ils instruisent et éblouissent.

L’action se déroule dans la ville italienne de Fiume (aujourd’hui Rijeka en Slovénie), ville qui aurait dû revenir à la Yougoslavie après la deuxième guerre mondiale (selon l’antique Société des Nations) et qu’Annunzio aurait annexée avec 300 soldats pour la déclarer « état indépendant ». Annunzio n’était pas un militaire mais un écrivain aventurier, auteur de romans remarqués, collaborateur de Debussy quand il était à Paris. Ce que raconte David B, c’est son utopie politico-poétique, son attrait pour les arts et un état différent. Dans les faits, il s’entoura de syndicalistes, aventuriers et nationalistes et la vie à Fiume devait ressembler à un beau bordel (d’où les bagarres). C’est très fort d’avoir choisi cette bulle un peu hors du temps (l’expérience avant-gardiste de Fiume ne dura que deux années) comme décor, car Fiume reste (pour moi qui la découvre en tout cas) un objet de fascination incroyable. Pour qu’on ne me cherche pas de poux dans mes cheveux trop longs (je dois les couper en prévision de l’été), je dois signaler que d’Annunzio est soupçonné par une minorité d’avoir été un pré-fasciste. Sauf qu’il n’a pas participé au gouvernement de Mussolini et que dans sa constitution figuraient trop d’idées (l’égalité des sexes devant la loi, salaire minimum… ) qui ne vont pas dans ce sens.
Mention spéciale au titre choisi par B pour ouvrir sa série : Les Prologues (« des bandits », « du poète », « des amoureux », etc.) C’est ingénieux.
PS Je n'ai même pas honte du jeu de mot complètement naze (et "irrelevant") du titre.

lundi 9 avril 2007

Robinson


Avant de lire son nom sur le site des Murmures du Donjon (http://www.bibou.org/donjon ) je ne connaissais pas Christophe Gaultier. Les Murmures du Donjon, c’est le site consacré à la série du même nom créée par Sfar et Tronheim. Les accros du forum cherchaient à savoir qui allait prendre le relais de Christophe Blain pour dessiner Donjon Potron-Minet. Ce filou de Trondheim leur avait accordé un nombre limité de propositions et de questions –il avait aussi donné un indice : le successeur avait un blog). Finalement, c’est le nom de Gaultier qui s’est imposé. A la lecture du premier volume de son adaptation de Robinson Crusoé, on comprend pourquoi.
Une nouvelle collection, nommé Ex-libris, vise en effet (chez Delcourt) à adapter fidèlement des grands classiques de la littérature d’aventure. J’aime beaucoup l’idée de faire des pages de garde un mini fac-similé du texte original.
Il y a d’abord Les trois mousquetaires. Dans l’absolu, s’il n’était pas limite sénile, c’est Uderzo qui aurait pu s’en charger (je ne me remets pas d’Oumpah-Pah). Ça aurait pu être merveilleux. Celui qui a mis en images l’histoire de Dumas, Rubèn, ne démérite pas (le scénario est de Morvan). L’album est destiné avant tout à un public jeune (ce qui est très noble).
Robinson Crusoé, c’est une autre bibine. On referme le premier volume et Robinson ne vit toujours pas sur son île avec son homeboy Vendredi. Non, le fils Crusoé est un fils de notable qui rêve d’aventure. Mais, d’abord un mauvais marin qui a le mal de mer – comme Isaac le Pirate, au début, comme le personnage principal du Réducteur de vitesse, autre classique de Blain. Au niveau du dessin, Gaultier entretient vraiment un air de famille avec celui-ci, on pourrait le considérer comme un demi disciple (par ce jeu à deux bandes, il devient ainsi logique que Gaultier reprenne Donjon Potron-Minet). Son Robinson (deux autres tomes prévus) vaut le coup. Sur son blog ( http://wakartate.free.fr/ ) on apprend qu’il n’a plus que quinze pages du tome 3. Il y a aussi des esquisses de « son » Donjon. Il faut juste s’armer de patience le temps que sa page se charge à cause des dessins (mon ordi est peut-être trop vieux).
Je me suis rendu compte que j’avais déjà lu de ces livres : la série Guerres Civiles chez Futuro et Clichés Beyrouth 1990. Sans jamais me dire que c’était la même personne. Preuve qu’il a de multiples identités.

Les images sont copyright Christophe Galutier - Editions Delcourt.

mercredi 4 avril 2007

Pluie d'été


Le dessin est mignon, peut-être un peu trop, si bien que j’ai eu du mal à entrer dedans. Mais Pluie d’été du dessinateur italien de Sergio Algozzino s’avère assez touchant et drôle pour qu’on lui donne sa chance. Que raconte-t-il ? Sa vie, simplement. Elle n’a rien d’extraordinaire et pourtant il arrive à à partager ses souvenirs avec aisance. Loin d’être une autobiographie sérieuse (apparemment, faudrait appeler ça « autofiction », ah bon), son album raconte par séquences thématiques de quelques pages tous les événements qui l’ont construit. La découverte des comics, ses premières imitations, la première fille dont il a juste serré la main, ému,, comment il s’est abîmé le poignet en secouant comme un malade le joystick de sa première et antique console de jeu , l’amitié, les jours où il a expérimenté d’autres émotions (quand il a perdu pour la première fois un être proche), les chansons qui ont rythmé sa vie (et le gaillard dévoile aussi ses mauvais goûts – Bon Jovi, putain et quand même le Velvet), les souvenirs liés à la maison de sa grand-mère, la séance de dédicace avec Moebius, sa venue au festival d’Angoulême, etc. Gentiment nerd et adulescent, il parvient à retranscrire des moments – de joie ou de mélancolie – générationnels, voire universels. Pas d’ambition très profonde mais on ne lui reproche pas. Un joli album, « sympa » pour être méchant. Il vaut plus que ça, léger, vivant, drôle. Forcément, parce que j’ai un vécu proche de sien son livre me parle plus que… non, j’ai rien dit. Il a un site pour celles et ceux qui comprennent l’italien : http://foolys.splinder.com

mardi 3 avril 2007

Volta


Des pochettes horribles de groupes médiocres de rock progressif (redondance) ou de hard rock naze, on en connaît. Mais qu’une artiste « majeure » (ouh, le gros mot) choisisse une pochette comme Björk pour Volta, je ne me rappelle pas avoir vu ça. Enfin, à cette échelle. Hommage à Orangina, à Découfflé, aux poupées russes… je ne sais pas. Le pire c’est que je la trouve démentielle tellement elle vole au-dessus de la peur du ridicule. Franchement, il fallait oser. J’ai hâte de voir la vidéo du single “Earth Intruders”. Vous connaissez la réplique de Gaston quand il se prépare pour une soirée costumée : « le seul problème c’est si on danse ».